Cyril Brun, depuis quand êtes-vous employé par la Maison Charles Heidsieck?
On m’a proposé de rejoindre la Maison, fin 2014 après le décès tragique de mon prédécesseur, Thierry Roset. Pour la petite histoire quand j’ai été diplômé, deux Maisons me faisait rêver, Charles Heidsieck et Veuve Clicquot. J’ai donc envoyé deux CV, les seuls de ma vie, et c’est dans ces deux Maisons là. J’ai eu la chance d’être reçu en entretien par les deux chefs de caves de l’époque Jacques Peters pour Clicquot et Daniel Thibault. Les entretiens se passent très bien, mais assez vite Jacques Peters me dit « Ok, le poste d’adjoint chef de caves est pour vous ». J’ai donc débuté chez Clicquot en tant qu’oenologue chargé de la communication vin et du développement œnologique. Je ne pensais pas que 15 ans plus tard, ce qui était mon autre choix initial allait se réaliser.
Vous étiez prédestiné…
Je suis issu d'une famille de vignerons-négociants et tonneliers à Aÿ. Alors, oui, dans notre histoire familiale, nous buvions, entre autres, et du Clicquot et du Charles Heidsieck. C’était des vins qui faisaient vraiment partie de la famille. J’avais un feeling particulier pour ces deux Maisons.
Qu’est-ce que le métier de Chef de caves pour vous ?
À mes yeux, c’est un métier de chef d’orchestre. On crée beaucoup de choses, mais surtout, il faut savoir prendre de la hauteur pour définir des caps à moyen et long terme. La qualité d’un vin commence avant tout à la vigne et va jusqu’aux finitions que peuvent être le dosage, le choix du bouchage, la gestion de l’oxygène et à travers tout le process de vieillissement. Nous sommes sur un métier de détails et de précision.
Que représente la marque Charles Heidsieck aujourd’hui ?
Aujourd’hui nous avons complètement rénové nos réseaux de distribution, avec une équipe assez jeune partout dans le monde un ordre de bataille sur la partie business et commerciale. De façon plus personnelle, j’ai la chance que les vins ne se soient pas dégradés durant la descente aux enfers qu’a vécu la Maison. Je suis arrivée avec une situation extrêmement saine et enviable et avec un niveau de stock exceptionnelle. Tant sur le point de vue de la quantité, mais aussi sur la qualité et la complexité des vins. Imaginez que la Maison n’a jamais lâché ses approvisionnements de raisins, donc continuait à faire des jus, mais ne sortant pas de bouteille en face, tout allait en vin de réserve. Ce qui est une force aujourd’hui phénoménale pour une maison au sens œnologique, mais on est d’accord que d’un point de vue financier, c’était plus discutable.
Quel est l’ADN des champagnes de la Maison Charles Heidsieck ?
Depuis mon arrivée j’ai travaillé sur ces éléments-là justement, sur le « style Charles ». Avoir une vraie identité sur la mâche en bouche, le niveau de gras et la taille de bulle qui pour moi était complètement identitaire. Nous avons donc mis en place des éléments pour amplifier ces singularités-là et perpétuer l’esprit et l’excellence de Monsieur Charles Heidsieck.
Un élément important de Charles Heidsieck c’est le temps aussi ?
C’est un élément fondamental ! Le temps de vieillissement déjà. Il y a le vieillissement en deux phases. Le vieillissement constaté entre votre date de mis en bouteille et celle de mise en marché. Sur ce point-là, la maison a été pionnière puisque dans les années 80, elle mettait sur ses étiquettes la date d’embouteillage de ses vins. De cette façon, même une cuvée non millésimée pouvait quand même être datée par le consommateur. On savait si on avait à faire à un vin non millésimé qui avait 5, 7 ans ou 8 ans. C’était une vraie initiative puisqu’à l’époque personne ne parlait des temps de vieillissement. Nous avons gardé ce système.
Et puis, il y a le facteur temps qui commence avant la mise en bouteille, les vins de réserves. Et sur ces vins-là, il y a le quantitatif qui représente 50% de nos assemblages brut et certains de nos vins de réserve dépassent même les 20 ans d’âge. Une bouteille de Charles Heidsieck qui est aujourd’hui sur le marché, elle a déjà une vie qui a commencé il y a 30 ou 40 ans. Le temps est essentiel. C’est un élément statutaire chez nous !
Y a-t-il une hiérarchie des vins dans la gamme Charles Heidsieck?
Non pas vraiment. Nous sommes plus sur des profils ou des occasions de consommation plutôt qu’une vraie hiérarchie. Notre brut millésimé représente tout de même 85 % de nos volumes. Et puis nous avons créé beaucoup de nouveautés, des coteaux champenois, des blancs, des rouges, et remis en ordre de bataille un Blanc de blanc conçu en 1949 par le petit-fils du fondateur, Charles-Marcel.