Laurent Fédou, comment avez-vous lancé votre première cuvée bio ?
Aujourd’hui, tous les négociants découvrent le bio, mais en 2009, j’avais un bon ami qui s’appelait Bruno Michel, qui était vigneron bio et qui nous vendait des raisins sur le bord de ses parcelles, il n’était pas certain que le reste soit vraiment bio. Nous avons beaucoup travaillé ensemble pour convertir l’ensemble de son vignoble en bio. Et nous nous sommes dits avec Canard-Duchêne que c’était ça qu’il fallait faire, se lancer sur un marché où personne n’était. Cette parcelle est devenue la 181, de 7 hectares sur Verneuil. Nous complétons la cuvée par d’autres vignerons livreurs qui ont suivi la maison dans la démarche bio.
Combien de vignerons avez-vous aujourd’hui qui travaillent pour Canard-Duchêne ?
Environ 150.
Combien travaillent en bio ?
C’est moins de 10. Nous sommes très sélectifs. Nous avons plus de propositions de vente de raisins bio que nous voulons en acheter. Quelqu’un qui nous dit « je me convertit en bio », ok, mais revenez dans 5 ans. Nous ne souhaitons pas nous approvisionner chez des néo-convertis vers le bio. La conversion bio en réalité ce n’est pas seulement 3 ans, ça prend beaucoup de temps. Le peu de vignerons avec qui nous travaillons en bio, nous leur faisons une confiance absolue. Nous contrôlons cependant régulièrement, avec des prélèvements d’échantillons de toutes les citernes que nous congelons et analysons. Nous sommes aujourd’hui, le plus grand producteur négociant de champagne bio.
La parcelle 181 appartient au groupe Canard-Duchêne ?
Oui, c’est la parcelle la plus facile à convertir en bio, parce qu’elle n’a pas de voisin, cela réduit les risques de contamination par les traitements des vignerons aux alentours.
Comment travaillez-vous cette cuvée ?
Tous nos Chardonnays fermentent sous-bois, soit 40 % du volume. Nous ne cherchons pas à faire un champagne boisé, mais plutôt à trouver la complexité avec le bois. Il apporte comme un côté épicé.
Quel est le profil de cette cuvée P.181?
Je dirais, éclatant de fruit frais. Nous sommes sur une base de vendange 2018, avec 42 % de Pinot noir, 36 % de Chardonnay et 21 % de Meunier. À l’ouverture, ça sent le fruit jaune, c’est très sur les ananas, les abricots…. Les champagnes bios ne sont pas différents en réalité, mais à chaque fois, je perçois une fraîcheur aromatique différente. Je ne l’explique en rien, mais peut-être que le raisin vit différemment son cycle et s’exprime donc autrement. C’est comme si on avait enlevé un buvard sur la fraîcheur. Ce sont des vins résolument frais.
Un vin réussi pour moi, c’est un vin qui est équilibré entre le nez et la bouche. Sur la bouche de cette cuvée P. 181, nous restons sur une explosion de fruits, fidèle au nez. C’est tendu et frais et à l’aération, on découvre d’autres arômes qui vont vers les pamplemousses et ananas un peu plus cuits.